L'HOROSCOPE Jean De La Fontaine |
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On rencontre sa destinée Souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter. Un Père eut pour toute lignée Un Fils qu'il aima trop, jusques à consulter Sur le sort de sa géniture Les diseurs de bonne aventure. Un de ces gens lui dit que des lions surtout Il éloignât l'enfant jusques à certain âge; Jusqu'à vingt ans, point davantage. |
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Quand il fut en l'âge où la chasse Plaît le plus aux jeunes esprits, Cet exercice avec mépris Lui fut dépeint; mais, quoi qu'on fasse, Propos, conseil, enseignement, Rien ne change un tempérament. |
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Le jeune homme s'émut, voyant peint un Lion: <<Ah! monstre, cria-t-il, c'est toi qui me fais vivre Dans l'ombre et dans les fers!>> A ces mots, il se livre Aux transports violents de l'indignation, Porte le poing sur l'innocente bête. Sous la tapisserie un clou se rencontra: Ce clou le blesse; il pénétra Jusqu'aux ressorts de l'âme; et cette chère tête, Pour qui l'art d'Esculape en vain fit ce qu'il put, Dut sa perte à ces soins qu'on prit pour son salut. |
Même précaution nuisit au poète Eschyle, Quelque devin le menaça, dit-on, De la chute d'une maison. Aussitôt il quitta la ville, Mit son lit en plein champ, loin des toits, sous les cieux.
Un aigle, qui portait en l'air une tortue, . .. Passa par là, vit l'homme, et sur sa tête nue, Qui parut un morceau de rocher à ses yeux, Étant de cheveux dépourvue, Laissa tomber sa proie, afin de la casser: Le pauvre Eschyle ainsi sut ses jours avancer. |
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Il ne se faut point arrêter Aux deux faits ambigus que je viens de conter. Ce Fils par trop chéri, ni le bonhomme Eschyle, N'y font rien: tout aveugle et menteur qu'est cet art, Il peut frapper au but une fois entre mille; Ce sont des effets du hasard
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